Chapitre 11

Deux jours après les obsèques ils partirent pour Liscannor où habite Sacha avec sa famille, près des célèbres Falaises du Moher dans le comté de Clare.
Le voyage c’est déroulé dans les meilleures conditions et à la satisfaction de tous. Seuls, Anne qui avait déjà eue la joie de venir faire quelques concerts en Irlande avec son mari et Claude qui était venu en vacances avec Léo chez leur ami Sean, connaissaient un peu le pays. Et Elfie bien sûr mais elle était trop jeune pour en avoir des souvenirs. Unanimement ils trouvaient l’endroit sublime. Les uniques Falaises du Moher enchantèrent leurs yeux éblouis.
- Soyez les bienvenus, nous sommes très heureux de vous recevoir et de vous présenter ma femme Deirdre et nos deux enfants Ardal et Barry. Puis un homme grand, roux s’avança un grand sourire aux lèvres: Et voici Christian et sa femme Heather et leurs deux enfants Connor et Grâce, tous s’étreignirent fraternellement avec une joie évidente.
N’étant nullement fatigués tous voulurent profiter au maximum de leur séjour. Pour commencer, la plage toute proche fut l’endroit idéal pour un moment de détente où déjà des affinités apparurent. Les plus âgés Claude, Anne, Christian, Heather, Sacha et Deirdre se rapprochèrent tout naturellement et les plus jeunes, plus intrépides, se hâtèrent de se jeter dans les vagues. Ilona bien que toujours un peu intimidée par la nouveauté se montra tout à fait à l’aise quand Connor vint la prendre par la main pour l’entrainer dans la vaste étendue d’eau revigorante, Grégoire bien que ressentant un petit picotement au niveau de la jalousie se laissa, lui aussi inviter par Hanna et Grâce qui le poussèrent pour rejoindre les autres. Barry grand garçon athlétique de vingt trois ans, invita ceux qui étaient tentés par une petite balade en mer à monter à bord de son petit bateau pour admirer de près les impressionnantes falaises, proposition que seule Elfie s’empressa d’accepter pour le plus grand plaisir de Barry qui se montra tout de suite intéressé par la belle blonde au sourire enchanteur qui apparemment partageait cette attirance. Claude et Anne furent ravis d’aller avec Sacha, Deirdre, Christian et Heather à Doolin se plonger dans la sympathique atmosphère d’un typique pub irlandais et savourer une bonne Guinness en écoutant de l’entrainante et envoutante musique folklorique à laquelle ils prêtèrent leur voix avec vigueur. Ayant entendu son père parler de la passion de Peter pour W. B Yeats et étant lui-même un fervent admirateur du grand homme, Ardal convia son nouvel ami à l’accompagner dans une discussion pour faire plus ample connaissance tout en longeant la plage jusqu’à la demeure familiale où il lui montra sa collection, presque complète, d’ouvrages concernant leur idole, pour le plus grand plaisir de Peter.
Puis la soirée approchant tous regagnèrent, comme répondant à un appel inaudible, la vaste maison et ils se réunirent autour de la grande table familiale où chacun se prépara ses sandwichs selon ses gouts se servant dans les vastes plateaux de fromages, de viandes froides et de salades composées, en se lançant dans de grandes discussions joyeuses et animées avant de savourer les desserts avec thé, café ou chocolat. Ainsi se termina leur première journée le cœur très léger et la tête pleine de rêves. Presque, car Barry s’enhardit en proposant une balade au clair de lune à Elfie ravie de pouvoir encore profiter de la présence de son prince si charmant qui profita de l’atmosphère nocturne et des senteurs marines sous une douce brise pour lui voler un tendre baiser avant de la raccompagner jusqu’à la porte de sa chambre, en y laissant quelques regrets mais en se sentant tellement heureux en pensant aux promesses du lendemain.
Très tôt, c’est avec le sourire si espiègle de Grâce la benjamine qui du haut de ses six ans se précipitait tel un feu follet de chambre en chambre pour sonner le réveil avec beaucoup de persuasion pour certains, cette adorable bouille ronde aux magnifiques cheveux bouclés d’un roux flamboyant, avec les petites tâches de rousseur qui les accompagnent, avait déjà assez de charme pour être rapidement pardonnée par ceux qui auraient bien voulu un petit supplément d’oreiller au doux pays de Morphée. Après la toilette ils se retrouvèrent autour de la table de la cuisine pour savourer avec entrain le solide et fameux petit déjeuner irlandais dont la réputation n’est plus à faire. Sacha devant se rendre au mont Ben Bulben pour peindre demanda qui voulait l’accompagner précisant que Christian devait aller à la Yeats society à Sligo pour mettre au point sa prochaine conférence et qu’ensuite il viendrait le rejoindre. Immédiatement Peter demanda sil était possible d’accompagner Christian à Sligo puis de faire un petit détour par le cimetière de Drumcliff pour saluer le Maitre avant de se retrouver au mont Ben Bulben, ce qu’accepta Christian évidemment, Ardal appuya la requête de Peter et serait également du voyage. Hanna irait volontiers avec Sacha pour exercer son talent naissant. Elfie voulu également accompagner Sacha qui pourrait lui parler de son oncle et de sa tante et échanger quelques souvenirs, comme avec Christian plus tard, au sujet de Monsieur et Madame Latour qui avaient tant d’importance dans sa vie, Barry irait comme tout le monde l’aurait parié avec Elfie. Deirdre et Heather proposèrent aux autres une journée de shoping à Ennis. Comme souvent le matin Ilona et Grégoire se levèrent plus tôt que les autres et se dirigèrent aussitôt vers un bâtiment en bois qui les attirait irrésistiblement, ils l’avaient repéré la veille déjà. Ils en firent glisser la lourde porte coulissante et aperçurent pour leur plus grande joie ce qu’ils espéraient ardemment sans oser y croire tout à fait. Mais oui ! C’était bien cela : Quatre magnifiques Irish Cob robustes, aux teintes mélangées de roux, de noir et de blanc. Après avoir pris la liberté de les brosser puis fait leur litière ils les firent sortir dans la vaste pâture où Ilona sortit sa flûte enchantée accompagnée par le doux chant de Grégoire. Aussitôt que la musique raisonna les quatre coursiers se mirent à exécuter un merveilleux ballet comme savent si bien le faire les ‘artistes’ « Aux Hibiscus ». Connor qui devait s’occuper des chevaux, quand il arriva et vit que tout était déjà accompli, s’en réjouit puis se rendant dans la pâture fut tout surpris et ébloui par le spectacle des quatre chevaux réalisant ce qu’il n’aurait jamais cru possible, courut chercher les autres pour venir admirer ce rare moment plein de grâce auquel ils assistèrent médusés. Quand Ilona cessa de jouer et Grégoire de chanter, tous vinrent les féliciter en caressant leurs amis Cork, Tyrone, Sligo et Cavan qu’ils ne soupçonnaient pas posséder un tel talent.
- Bravo à vous tous, nous ne savions pas que vous aviez autant de virtuosité. Ce que vous venez d’accomplir en ayant passé si peu de temps ici est fantastique. Chapeau les artistes s’écria Sacha traduisant la pensée de tous.
A Sligo Christian fut heureux de faire découvrir la Yeats society surtout à Peter, car Ardal connaissait parfaitement l’exposition, qui n’avait pas assez d’yeux pour appréhender tous les trésors qui s’étalaient devant lui.
Arrivés au mont Ben Bulben pendant que Sacha et Hanna installèrent leur chevalet dans un endroit fort agréable et ombragé avec une vue superbe sur ce mont et ses alentours, Elfie protégée par la haute stature de Barry, crut déceler des petites étincelles et décida de les suivre. Ils arrivèrent à un endroit précis où les petites lueurs grossirent jusqu’à la taille d’une poupée et deux magnifiques Fées s’adressèrent à Elfie :
- Bonjour Elfie, je te présente Oryla et moi je m’appelle Fidelma c’est nous qui t’avons présenté à Valérie, nous savions que tu viendrais aujourd’hui car elle nous a prévenues de ta visite et nous tenions à te conduire exactement à l’endroit où l’on peut dire que tu es née. Voilà c’est ici et nous sommes heureuses et fières de voir qui tu es devenue. C’est un grand plaisir de faire ta connaissance Barry. Elles s’éclipsèrent laissant Elfie avec une émotion indescriptible dans le cœur.
Christian conduisit Peter et Ardal jusqu’à Drumcliff où ils purent contempler la dernière demeure émouvante de W.B Yeats. Le poète n’était peut-être pas réellement ici car quand ils ont rapatrié son corps depuis la France il n’est pas du tout certain que les restes soient les siens. Mais l’épitaphe était bien de lui, toujours aussi énigmatique, dictée par le cher Maitre, non sans raison dans cet endroit chargé d’émotions. Enfin ils rejoignirent fatigués et heureux Sacha qui déjà les attendait. Tous remarquèrent la sérénité d’Elfie entourée de la prévenance de Barry qui semblait lui au contraire assez perturbé par ce qu’il avait cru voir.
Heather et Deirdre avaient emmené le restant des troupes à Ennis la capitale du comté de Clare où ils passèrent une journée bien agréable dans cette ville si pittoresque au charme unanimement apprécié.
Le soir au repas les conversations allaient bon train au milieu de rires et de souvenirs émerveillés. Sacha proposa à tout le monde de se coucher tôt car avec Christian et leur épouse, ils avaient organisé une sortie collective et originale pour le lendemain, le réveil devrait être de très bonne heure, pour une excursion qui certainement plairait à tous, mais sans en dire plus car ils voulaient en faire la surprise.
Ainsi à cinq heures, l’infatigable petite tornade rousse, toute excitée par la perspective de la surprise, qu’en fine mouche qu’elle était, avait devinée et qu’elle adorait, alla secouer plus que vigoureusement ses nouveau amis et sa famille. Après les préparatifs habituels, à l’appel de Sacha et Christian qui étaient déjà prêts depuis belle lurette, tous se rejoignirent devant la maison, ébahis par le magnifique spectacle qui s’offrait à eux. Deux splendides roulottes authentiques aux couleurs bigarrées du plus bel effet étaient attelées aux quatre fiers coursiers qui les attendaient pour un petit périple bien agréable par une si belle journée. Une fois les tâches bien réparties selon les capacités de chacun, la caravane se mit en route direction nord-est en direction du comté voisin de Galway et de Gort. N’étant pourtant pas du genre démonstratif, Peter ne put s’empêcher de faire spontanément une accolade virile et très sincère à ses amis Sacha, Christian, et aussi à Deirdre et Heather quand il se rendit compte qu’ils étaient devant la Tour Ballylee demeure estivale de W.B Yeats et de sa femme Georgie qui depuis la fenêtre de sa chambre aimait pêcher dans la rivière coulant juste en dessous. Un camp fut aménagé dans les environs. Le soir venu après le repas, autour du feu où Ilona et Grégoire, l’accompagnant comme toujours, interprétèrent les morceaux de musique irlandaise qu’ils connaissaient, accompagnés par Barry à la guitare et repris par tous en chœurs dans une atmosphère des plus chaleureuses. Puis Peter au comble de la félicité s’éloigna un peu vers la rivière qui borde la Tour suivi à distance par Ardal qui ne voulait pas le déranger dans sa méditation, plus loin, il vit Peter sous un chêne majestueux, en grande conversation avec un homme âgé à la chevelure argentée dans un rayon de lune, un chat à ses pieds qui disparut comme par enchantement au bout de quelques minutes. A son retour, Ardal demanda à Peter qui était l’homme avec le chat, avec un grand sourire et un clin d’œil, celui-ci lui répondit : « A ton avis ? » Le lendemain de très bonne heure Peter s’éclipsa jusqu’à la Tour où il alla directement à une anfractuosité dans le mur et en retira une pierre plate avec ciselée dessus une spirale.
Après un petit tour à Coole Park, malheureusement désertée par les élégants cygnes sauvages, ancienne demeure de Lady Grégory, ils empruntèrent le chemin du retour, savourant au passage les magnifiques paysages irlandais au charme si particulier d’authenticité.
La dernière soirée se déroula pour tous dans une atmosphère nostalgique. La petite Grâce s’était rapprochée d’Elfie qu’elle ne voulait pas laisser partir, ses beaux yeux verts étaient tristes et embués, elle répétait inlassablement qu’elle désirait « Que tante Elfie reste toujours avec elle. » Pour la calmer un peu Elfie lui dit que si elle voulait, elle pouvait venir dormir avec elle ce qui fit naitre le plus joli sourire qu’une petite fille pouvait offrir suivi d’un gros baiser. Barry ne disait rien pourtant il pensait comme Grâce mais n’obtint pas la même proposition. Pour détendre un peu l’atmosphère qui était un peu trop lourde, Heather et Deirdre proposèrent un moment consacré à la musique. Anne, Deirdre, Heather et Elfie sortirent leur violon, Barry et Claude alternèrent au piano, Ilona enchanta avec sa flûte alors que tous chantèrent de vieux airs irlandais et slaves, improvisant une soirée bien sympathique où musique, chants et danses se mêlèrent faisant pour un moment, bien trop court à leur gré, oublier le départ qu’ils auraient bien voulu retarder indéfiniment.
Elfie se leva très tôt en prenant bien soin de ne pas réveiller l’adorable Grâce et courut jusqu’aux écuries où Barry lui avait donné rendez-vous pour lui dire au revoir à l’écart et à l’abri des sourires entendus de la famille, mais trop émus pour parler ils se jetèrent l’un contre l’autre et échangèrent avec fougue un baiser valant toutes les promesses du monde qu’ils auraient pu exprimer par la parole. Claude fut le premier à faire ses adieux en compagnie d’Anne et invitant tout le monde à venir pour les vacances proches. La douce Hanna osa embrasser Connor pour le plus grand plaisir de celui-ci, suivie par Elfie avec la jolie Grâce dans les bras que Heather eut bien du mal à lui faire lâcher Sa chère Tante Elfie. Peter ne savait pas comment tous les remercier pour ce séjour si chargé d’émotions et d’enseignements qu’il étreignit vigoureusement toute Sa Famille Irlandaise et plus particulièrement Sacha, Christian et son grand ami Ardal et tous se promirent avec espoir de passer les prochaines vacances en France mais… ils ne savaient pas encore que cela ne se ferait jamais…
Arrivés « Aux Hibiscus » où les attendaient avec impatience Lizzy, Léo et les parents d’Ilona et de Grégoire. Léo s’empressa de demander à Claude et Anne leurs impressions sur ce séjour bien trop court.
- Parfait, répondirent-ils en cœur, cela a dépassé tout ce que l’on pouvait souhaiter de mieux, ils sont tellement gentils et prévenant et l’Irlande est tellement magnifique c’était un enchantement, ils vous adressent à tous toutes leurs amitiés et vous attendent avec joie le plus tôt possible.
- Oh nous n’y manquerons pas, après le spectacle car beaucoup de monde s’y intéresse et la fin du mois arrive rapidement. Mais tout à l’air d’être déjà bien prêt.
- Nous en avons parlé avec nos amis en Irlande, ils sont tous très motivés et suivent de près toutes les publications de Lizzy. Ils ont hâte de s’engager pour le grand jour comme beaucoup à travers le monde, chacun à son niveau et selon ses moyens.
Les jours suivants étaient réservés à la finition de quelques détails.
Quand Ilona et Grégoire franchirent la porte de l’écurie une grande ovation hennissante les salua et ils durent raconter le voyage et les rencontres. Tyrone, Cork, Sligo et Cavan n’étaient pas des inconnus pour eux. La communication entre les animaux était visiblement plus au point que chez les humains soi-disant supérieurs.